PARTICIPANTS
Mark Brisley
Directeur général et chef, Fonds Dynamique
Romas Budd
Vice-président et gestionnaire de portefeuille principal
Derek Amery
Vice-président et gestionnaire de portefeuille principal
PRÉSENTATION
Mark Brisley : Vous écoutez On The Money de Fonds Dynamique, une série de balados qui vous donne accès à certains des portefeuillistes les plus aguerris en gestion active ainsi qu’à des maîtres à penser dans le domaine de la finance. Lors de nos rencontres, nous posons à nos invités des questions pertinentes afin de connaître leur point de vue sur la conjoncture et de recueillir leurs conseils sur la manière de composer avec le contexte actuel.
Bienvenue à un autre épisode de On The Money, de Fonds Dynamique. Je suis Mark Brisley, chef de Fonds Dynamique. Je vais commencer par vous citer une phrase écrite par l’un de mes invités dans un récent commentaire : « Nous n’avons vraiment pas manqué de surprises, d’incertitude et d’événements sans précédent en 2020. »
Les récents événements nous laissent entrevoir la fin, nous l’espérons, de l’incertitude liée aux élections aux États-Unis et l’arrivée d’une lueur d’espoir grâce aux nouvelles positives concernant les vaccins. Or, les rendements obligataires demeurent peu élevés et les faibles taux d’intérêt risquent de persister pendant un bon bout de temps. Ce contexte continue de poser des défis pour le volet à revenu fixe au sein des portefeuilles des investisseurs.
Par conséquent, de nombreuses questions se présentent. Comment les marchés à revenu fixe se comporteront-ils quand les grandes banques centrales resserront leur politique monétaire? La répartition d’actif 60-40 a-t-elle encore sa raison d’être? Certains segments posent-ils des risques particuliers? Où peut-on trouver des occasions de rendement?
Je suis donc très heureux d’accueillir aujourd’hui deux portefeuillistes combinant plus de 50 ans d’expérience en gestion de portefeuilles de titres à revenu fixe. Romas Budd a fait ses débuts dans les placements en 1984. Jouissant d’une solide réputation et affichant une excellente feuille de route, il possède plus de 30 ans d’expérience dans les placements à revenu fixe.
Membre de l’équipe des placements à revenu fixe de base de Dynamique, qui veille sur des portefeuilles totalisant près de 42 milliards $ pour le compte de particuliers, d’institutions et de clients privés, il gère directement des actifs de quelque 22 milliards $.
Nous accueillons aussi Derek Amery, qui possède plus de 20 ans d’expérience dans le domaine, plus particulièrement dans les placements à revenu fixe canadiens. Avant de se joindre à Dynamique, il a travaillé comme gestionnaire de portefeuille à Gestion globale d’actifs HSBC pendant seize ans. Au cours des onze dernières années à ce poste, il a assumé les fonctions de chef des titres à revenu fixe canadiens, veillant alors directement sur des actifs totalisant plus de six milliards $.
C’est un plaisir de vous recevoir aujourd’hui. J’aimerais poser ma première question à tous les deux, mais commençons par Romas. Selon vous, comment les actions des banques centrales et les programmes de soutien des gouvernements pourraient-ils influencer les marchés obligataires à l’avenir? La quantité de stimulants injectés dans le système l’année dernière est tout simplement incroyable.
Romas Budd : C’est vraiment la question que tout le monde se pose. Comme nous le savons, cette année, les gouvernements ont mis en œuvre des mesures de soutien budgétaire sans précédent et les banques centrales ont accordé une aide plus directe aux marchés obligataires.
Cette aide a surpassé tout ce que nous avions vu auparavant, du moins au Canada, car cette fois le grand argentier achète des obligations de sociétés et de provinces, afin de contenir les écarts. Cela ne s’était pas produit lors de la dernière récession, mais les États-Unis avaient pris des mesures similaires. Habituellement, les banques centrales surveillent les taux à court terme et les ajustent au besoin quand la demande est insuffisante, afin d’inciter les gens à dépenser, pour stimuler la demande et insuffler de la vigueur à l’économie durant un ralentissement.
Cette fois-ci, la situation était tellement critique qu’elles ont dû employer d’autres outils, en plus de ramener les taux à presque zéro. Il a fallu qu’elles se tournent vers l’assouplissement quantitatif, qui consiste à acheter des obligations d’État.
Comme je l’ai mentionné, elles ont aussi inclus les obligations de provinces cette fois. Elles pourraient même exercer un contrôle sur la courbe des taux. Donc, elles ne se contentent pas de contrôler les taux à court terme, mais aussi ceux à long terme, dans une certaine mesure. En tant qu’investisseurs et gestionnaires de portefeuille, cela nous posera d’autres défis à l’avenir. Peu importe le niveau auquel vous pensez que le rendement devrait se situer, il faut garder en tête que les banques centrales maintiennent les taux d’intérêt au plancher en ce moment.
Mark Brisley : Derek, je vous poserais la même question, mais concernant les obligations de sociétés. Pensez-vous que les actions des banques centrales et les programmes gouvernementaux pourraient avoir une incidence sur ces marchés?
Derek Amery : Vu les politiques et programmes actuels, il me semble très clair que les actions des banques centrales et les politiques budgétaires continueront d’influer grandement sur les marchés obligataires dans les années à venir. Comme l’a mentionné Romas, cela ne touchera pas seulement les titres liés aux taux, mais aussi ceux émis par les sociétés. Ce phénomène d’intervention des autorités a débuté lors de la crise financière, mais il a gagné drastiquement en portée et en ampleur durant la pandémie.
Romas a également mentionné que les banques centrales ont élargi leur coffre à outils pour y inclure l’achat d’obligations de sociétés. Certaines d’entre elles, notamment la Banque du Japon et la Banque centrale européenne, avaient déjà eu recours à une telle stratégie au cours des dix dernières années. C’est donc la décision de la Réserve fédérale américaine (Fed) d’acheter des obligations de sociétés en mars et en avril qui a eu, et continuera d’avoir, les plus fortes répercussions sur les marchés des capitaux.
Quand on y pense, l’annonce que la Fed allait directement acquérir des obligations de sociétés de qualité a été un des catalyseurs de la reprise des actifs risqués, sinon le plus important de tous. Cela a signalé qu’elle était prête à employer tous les moyens nécessaires pour fournir un filet de sécurité aux marchés du crédit. La question qui se pose maintenant est : qu’arrivera-t-il ensuite?
Comme nous avons pu le constater durant la reprise des actifs risqués, les marchés du crédit sont devenus très dépendants des initiatives des banques centrales et y sont également très sensibles, surtout durant les périodes de crise ou de fortes turbulences. Je crois donc que les banques centrales n’hésiteront pas à intervenir de nouveau lors de telles périodes pour soutenir les marchés.
Il n’est pas aussi clair quelles lignes directrices les autorités monétaires préconiseront dans des conditions de marché plus normales ni dans quelle mesure elles interviendront. Nous suivrons donc cela avec intérêt. Les banques centrales ont dit que les programmes d’achat d’obligations de sociétés qu’elles ont mis en œuvre cette année constituaient des mesures d’urgence et qu’elles ne les maintiendraient pas nécessairement une fois la crise résorbée.
Bref, il sera intéressant de voir comment elles réagiront au prochain repli des actifs risqués qui ne sera pas causé par la crise sanitaire, comme celui qui avait eu lieu à la fin de 2018 par exemple. Laisseront-elles les marchés boursiers et les marchés du crédit endurer une tendance baissière plus classique? Ou la Fed sera-t-elle toujours prête à intervenir pour empêcher toute baisse importante de survenir dans les actifs risqués, quel qu’en soit le coût?
Il sera intéressant de voir comment les choses évolueront à cet égard. Or, si on se fie aux événements des quelque douze dernières années, je crois que les banques centrales auront du mal à faire marche arrière pour revenir à un niveau d’intervention moindre sur les marchés du crédit. Maintenant qu’elles ont acheté des obligations de sociétés et soutenu les marchés du crédit de manière directe, il ne sera pas chose facile pour elles de se retirer.
À mon avis, le soutien des banques centrales perdurera et voilà pourquoi les titres liés au crédit devraient susciter de l’optimisme à moyen et à long terme.
Mark Brisley : Les rendements à dix ans retiennent beaucoup l’attention. Nous avons vu récemment celui des obligations du Trésor américain à cette échéance sortir de la fourchette où il évoluait depuis mars. Romas, pourriez-vous nous dire ce que cela implique pour les rendements obligataires futurs? Et pour mettre nos auditeurs en contexte, pourriez-vous également expliquer pourquoi cela a de l’importance?
Romas Budd : Ce sujet est réellement d’actualité, parce que les gens surveillent depuis un moment le rendement des obligations à dix ans et ajustent un peu la répartition des actifs au sein de leur portefeuille. Les gens comparent les styles entre eux (revenu, valeur, croissance, etc.) en fonction du rendement des obligations à dix ans. Aux États-Unis, ce taux a descendu jusqu’à environ un demi-pourcent plus tôt cette année et durant la crise.
Plus récemment, comme vous le mentionniez Mark, il a remonté jusqu’à 0,96. Cela est survenu aux alentours des élections, quand les investisseurs ont commencé à envisager la possibilité d’une « vague bleue ». Nous saurons en janvier si les démocrates emportent le Sénat, mais en ce moment, il semble que les républicains le conserveront par un siège.
Supposons que ce soit le cas. En ce moment, le rendement a reculé un peu, pour se situer à environ 0,85, et au Canada, à environ 0,7. Nos taux sont un peu plus bas. Ce qui arrive cependant, c’est que les évaluations des obligations sont assez élevées si on tient compte d’indicateurs tels que l’inflation. Comme nous l’avons mentionné précédemment, les principales banques centrales gardent les taux d’intérêt au plancher.
C’est un peu comme le jeu du chat et de la souris. En tant que gestionnaires tactiques, nous avons cherché à réduire notre cible de duration ou la sensibilité aux prix de nos portefeuilles sans contraintes, comme notre fonds d’obligations tactiques ou notre fonds négocié en bourse DXP.
Nous avons réduit notre cible à la fin du mois d’août quand les taux étaient beaucoup plus faibles, quoi que nous devions presque utiliser une loupe pour suivre leurs mouvements tellement ils sont faibles en général. Ils se situaient à moins de 0,5 % à ce moment, quand nous avons abaissé la cible.
Cela étant dit, selon le scénario le plus probable, nous allons probablement réduire la cible à nouveau, afin de faire baisser le risque lié aux prix. Mais cela dépendra de beaucoup de facteurs. Parmi les plus importants, il y aura la direction que prendra la politique budgétaire américaine à la suite de l’élection. Il faudra aussi voir si politique monétaire et budgétaire commenceront à se confondre. Cela peut sembler étrange, mais nous pourrions nous retrouver dans cette situation. Nous pourrions en parler davantage, mais peut-être vaut-il mieux garder ce sujet pour plus tard, s’il nous reste du temps.
La Banque centrale européenne a pris certaines actions qui rapprochent en effet sa politique monétaire d’une politique budgétaire. En général, les banques centrales, après avoir abaissé les taux à zéro, ou dans le cas de l’Europe et du Japon, au-dessous de zéro, diront qu’elles ne peuvent pas vraiment faire plus.
Ce sera à la politique budgétaire de prendre le relais, mais pour une raison ou pour une autre, il pourrait y avoir des complications, par exemple si les républicains contrôlent le Sénat. Nous ne pouvons donc pas prévoir avec certitude que les taux remonteront. Nous pourrions ainsi nous retrouver dans une situation se rapprochant davantage de celle de l’Europe ou du Japon.
Nous avons adopté le point de vue qui nous semble le plus probable et estimons que les taux sont actuellement dans un processus de planchonnement à long terme. Cela prendra du temps, et de nombreux autres facteurs pourraient entrer en ligne de compte. Nous ajusterons les portefeuilles en conséquence, à mesure que de nouvelles données paraîtront et en fonction de ce qui surviendra du côté monétaire, budgétaire puis de l’économie réelle.
Mark Brisley : Derek, comment décririez-vous le profil risque-rendement des obligations de sociétés dans les circonstances actuelles?
Derek Amery : En général, nous sommes plutôt optimistes, surtout à court terme. Lorsque j’essaie de déterminer les perspectives des obligations de sociétés, je le fais d’habitude sous trois angles, soit en examinant les fondamentaux, les évaluations et les données techniques.
Dans le cadre de mon analyse fondamentale, si je me penche rapidement sur ces trois aspects, je constate d’abord que les fondamentaux demeurent moins solides qu’avant la crise, mais qu’ils s’améliorent. La conjoncture a pris beaucoup de mieux depuis la période de mars à mai et même si la reprise commence évidemment à ralentir, il reste encore bien du terrain à regagner.
J’estime que la tendance macroéconomique reste à la hausse. Notre analyse ascendante nous confirme que les fondamentaux des obligations de sociétés, en général, demeurent moins solides qu’au début de l’année. Évidemment, la demande plus faible a fait chuter le chiffre d’affaires et les bénéfices des entreprises, ce qui a entraîné une hausse de l’endettement.
Oui, les ratios des obligations de sociétés se sont détériorés, mais par contre, les fondamentaux se stabilisent, comme la conjoncture, et devraient s’améliorer à mesure que la demande reprend. En ce qui concerne les évaluations, j’estime qu’elles sont justes ou légèrement élevées, en fonction du point où nous nous trouvons dans la reprise. Les écarts de crédit s’avèrent plus étroits que ce que nous anticipons habituellement lors d’une récession. Toutefois, nous ne sommes plus techniquement en récession.
De mon point de vue, je dirais que ça a du sens. Les écarts sont peut-être un petit peu trop étroits compte tenu du stade actuel de la reprise, car nous en sommes encore au tout début. Les évaluations sont justes ou un peu élevées. Cela dit, les écarts restent en moyenne de 35 à 40 points de base plus larges qu’avant la crise. De mon point de vue, il reste donc de la valeur dans ce segment.
Finalement, les données techniques sont celles qui s’avèrent le plus encourageantes pour les obligations de sociétés. L’offre record enregistrée cette année a été absorbée sans problème par le marché du crédit, ce qui constitue l’un des points les plus remarquables. Depuis le début de l’année, il y a eu pour 1,7 billiard $ de nouvelles émissions sur le marché américain.
Il s’agit d’environ 45 % de plus qu’en 2017, dernière année record. Sauf pendant quelques semaines en mars, ces nouvelles émissions ont facilement trouvé preneur sur le marché. Nous avons vu relativement peu de concessions sur les nouvelles émissions, et celles-ci ont très bien fait sur les marchés secondaires.
Malgré cette hausse énorme de l’offre sur le marché du crédit, le déséquilibre entre l’offre et la demande demeure marqué à mon avis. Pour terminer, la quête de rendement constitue un fort catalyseur technique de la demande pour ces titres, car les rendements absolus se trouvent évidemment à un plancher historique. En moyenne, au Canada, les obligations de sociétés offrent un rendement près de quatre fois plus élevé que les obligations d’État.
Ce sont néanmoins des titres à revenu fixe. Pour ceux qui y investissent, les obligations de sociétés restent une option intéressante à mon avis. Globalement, nous apprécions le profil de risque-rendement que nous procurent ces titres en ce moment. Cela étant dit, nous continuons de surveiller de près les fondamentaux pour tout signe de détérioration de la conjoncture ou des profils de crédit, comme je l’ai souligné tantôt.
Mark Brisley : Parlant de surveiller de près, le monde entier a eu à l’œil ce qui se passait chez nos voisins du Sud durant les dernières semaines, et encore maintenant. Derek, quelles en sont les répercussions sur les marchés obligataires et les investisseurs.
Derek Amery : À l’approche de l’élection, nous voyions dans les sondages et sur les marchés des paris que les marchés des capitaux étaient positionnés en fonction d’une probabilité assez élevée d’une rafle des démocrates, comme Romas l’a mentionné. C’est-à-dire qu’ils prévoyaient que M. Biden entre en poste et que les démocrates emportent la majorité au Sénat. Le deuxième scénario le plus probable était l’élection de Biden avec une majorité démocrate à la Chambre des représentants, mais pas au Sénat.
À l’heure actuelle, il semblerait que ce dernier scénario soit celui qui va se confirmer. Rien n’est encore certain pour le moment, puisque deux élections sénatoriales de second tour auront lieu en Géorgie. La plupart des gens s’attendent toutefois à ce que les républicains conservent leur mince majorité au Sénat. On peut donc anticiper une division du gouvernement en janvier.
En ce qui concerne les ramifications potentielles pour les investisseurs obligataires, comme je l’ai mentionné, avant l’élection, le consensus sur le marché était qu’une vague bleue (présidence Biden et Sénat contrôlé par les démocrates) entraînerait des mesures budgétaires et une stimulation de l’économie à court terme plus importantes, ce qui exercerait probablement une pression à la hausse sur les marchés boursiers ainsi que sur les rendements obligataires.
Un gouvernement divisé ferait certainement en sorte que les attentes à l’égard du soutien budgétaire seraient moins élevées et devrait exercer moins de pression à la hausse sur les rendements, du moins à court terme. À moyen et à long terme, je dirais qu’en modérant le programme politique, ou en « visant le milieu », si vous voulez, un gouvernement divisé abandonnera pour le moment bon nombre des initiatives les plus progressistes de Biden, telles que les réformes fiscales et environnementales vigoureuses.
Cela réconfortera probablement les investisseurs boursiers, du moins à moyen terme, et en fin de compte, peut-être que cela en poussera à prendre leur retraite. En ce qui concerne les marchés du crédit, le résultat de l’élection pourrait faire bouger les écarts en minant l’optimisme à l’égard de la taille de l’éventuel plan de mesures de relance budgétaire. C’est un résultat positif sur le plan macroéconomique. Je pense que les écarts pourraient s’élargir légèrement à court terme.
Si, ultimement, un gouvernement divisé s’avère positif pour les actifs risqués, comme je l’ai dit, je pense que cela devrait contribuer à pousser les écarts à la baisse à moyen terme. Je dois cependant dire que l’incidence de l’élection sur les marchés des capitaux semble avoir été de relativement courte durée. Évidemment, c’est parce que les événements liés à la pandémie ont pris le devant de la scène.
En ce moment, les défis à court terme provoqués par la forte augmentation du nombre de cas de COVID-19 et la réimposition de mesures restrictives partout dans le monde sont contrebalancés par l’optimisme entourant le vaccin. Ces circonstances ont probablement éclipsé les résultats des élections et atténué les répercussions qu’ils pourraient avoir sur les marchés et pour les investisseurs.
Mark Brisley : L’information évolue très rapidement. Pour paraphraser Malcolm Gladwell, nous recevons beaucoup de questions concernant les « points tournants ». Romas, on nous demande souvent s’il y a justement un point de bascule à partir duquel on verrait les taux remonter sur le marché obligataire. Pourriez-vous répondre à cette question et, par la suite, nous dire si au contraire, certaines circonstances pourraient pousser les taux à la baisse de nouveau?
Romas Budd : Comme nous l’avons dit à nos clients ces dernières semaines, nous avons emprunté une expression que nous aimons beaucoup : « juillet est-il le nouveau janvier? ». Ce que cela veut dire, c’est qu’au début de la pandémie en mars et avril, les gouvernements, les banques centrales et la plupart des entreprises pensaient que le pire serait passé vers janvier et que la vie commencerait à revenir à peu près à la normale.
Nous sommes déjà en novembre, donc il est impossible qu’en janvier nous soyons de retour à quoi que ce soit s’approchant de la normale. Nous nous attendons à ce que cela arrive plutôt aux alentours de juillet. C’est un des facteurs qui maintiennent les taux à de très faibles niveaux. Entre-temps, dans les quelques dernières semaines, nous avons obtenu d’excellentes nouvelles concernant les vaccins de Pfizer et même celui de Moderna, qui a l’avantage de ne pas nécessiter un entreposage à des températures extrêmement froides comme le premier. Je ne suis pas expert en vaccins, mais je crois que le vaccin Moderna pourra être employé à plus grande échelle dans le monde.
Est-ce là le début de la fin de la pandémie? Évidemment, cela génère des pressions haussières sur les taux. Les deux types de pressions s’exercent en ce moment, car les banques centrales tentent de contenir les taux. Nous ne sommes pas certains de la manière dont évoluera la politique budgétaire à partir de maintenant, mais rappelons-nous que les banques centrales veulent que les gouvernements prennent le relais avec leur politique budgétaire et leurs dépenses.
Si elles poursuivent sur cette voie avec conviction, je crois que nous pourrions effectivement voir les taux remonter un peu. Les choses se compliquent cependant pour nous en tant que gestionnaires actifs quand il y a de l’incertitude, car nous devons ajuster nos portefeuilles avec soin en fonction de ce que les données nous indiquent. Comme Derek y a fait allusion, si les républicains conservent le Sénat, il y a des chances que les dépenses gouvernementales diminuent. Encore une fois, je ne passe pas de jugement à savoir si des dépenses publiques plus ou moins importantes donnent de meilleurs résultats pour l’économie ou pour la qualité de vie de la population. Je ne parle que des cartes qui se trouvent dans notre jeu en tant que gestionnaires.
Supposons qu’un Sénat républicain supprime beaucoup de dépenses ou d’autres investissements dans l’économie, que ce soit dans les soins de santé, l’éducation, les remises sur les prêts étudiants ou n’importe quel programme. Nous envisagerions alors un scénario semblable à celui de l’Europe ou du Japon. C’est-à-dire qu’une période d’extrême faiblesse des taux et, en fait, même de taux négatifs, risque de se produire.
Or, les obligations sont toujours importantes pour les personnes qui détiennent beaucoup d’actifs risqués dans leurs portefeuilles financiers ou immobiliers, car elles atténuent ce risque. Même si les rendements obligataires sont au plancher, vous serez heureux d’en avoir dans votre portefeuille si les actifs risqués écopent en raison d’une politique non efficace ou d’un événement imprévu, comme la pandémie qui nous a frappés en mars. Les obligations agissent comme une police d’assurance de deux manières : d’abord grâce à leur corrélation négative avec les autres actifs, et ensuite en diminuant la volatilité globale du portefeuille et des rendements futurs.
Nous sommes à la croisée des chemins. Si la politique budgétaire réagit vigoureusement, nous pourrions voir les taux remonter. Si pour une raison ou une autre cela ne se produit pas, alors nous nous dirigeons vers un scénario semblable à celui de l’Europe et du Japon. En tant que gestionnaires actifs, nous ajusterons le tir en fonction de ce que les données nous indiqueront. Pour le moment, nous croyons qu’une hausse progressive des rendements sur quelques années ou plus demeure le scénario le plus probable.
Cela dit, rien n’est garanti. Je vais prendre un moment pour parler des taux d’intérêt, car les gens s’en inquiètent souvent et se demandent pourquoi ils devraient investir dans les obligations en ce moment. D’abord comme je viens de dire, elles fournissent une sorte d’assurance grâce à la diminution de la volatilité et à la corrélation négative avec d’autres actifs. Il faut aussi se rappeler que sur une période de disons cinq ans, si les taux augmentent graduellement, un portefeuille d’obligations rapportera un meilleur rendement total que si les taux n’avaient pas bougé.
En effet, le capital tout comme les coupons sont réinvestis à des taux plus élevés. Donc, ce n’est pas la fin du monde si les taux d’intérêt augmentent doucement. S’ils montent en flèche, c’est une autre histoire. Pour répondre au début de votre question, je crois que la probabilité d’une envolée des taux d’intérêt est plutôt basse, puisque les banques centrales essaieront vraiment d’éviter une telle éventualité. Il faudrait des circonstances vraiment extraordinaires, comme un très fort pic d’inflation, pour qu’elles laissent les rendements quitter les planchers où elles les maintiennent pour le moment. Une hausse demeure le scénario le moins probable à mon avis.
En ce moment, nous nous attendons à ce que les taux augmentent graduellement. Nous ajustons activement le portefeuille pour tenir compte de cette prévision. Nous ne pouvons par contre pas ignorer totalement la possibilité de voir les taux évoluer à l’horizontale ou même à la baisse. Nous sommes donc vraiment à la croisée des chemins.
Mark Brisley : Romas, vous avez un peu parlé du dilemme lié à la composition 60-40, c’est-à-dire la répartition classique à 60 % d’actions et à 40 % de titres à revenu fixe d’un portefeuille équilibré, que la plupart de nos auditeurs connaissent sans doute assez bien. Beaucoup d’entre eux se grattent probablement la tête en ce moment, car la faiblesse durable des rendements obligataires suscite beaucoup de questionnements. Dans sa forme la plus simple, la question est celle-ci : « Les obligations ont-elles encore leur place dans un portefeuille diversifié? »
Vous avez déjà un peu parlé du rôle de protection des obligations contre le risque à long terme, mais que diriez-vous aux investisseurs qui envisagent de réévaluer plus en profondeur la répartition d’actifs traditionnelle?
Romas Budd : Il est clair qu’à mesure où les taux faiblissent, le potentiel de rendement, de hausse des prix et de gains en capital diminue. J’aimerais toutefois parler de ce qui s’est produit en mars 2020. C’est intéressant parce qu’en Amérique du Nord, les obligations d’État et celles d’entreprises de très haute qualité ont encore réagi positivement, c’est-à-dire que leur prix a augmenté lorsque celui des actions et des autres actifs risqués ont baissé.
Dans d’autres régions du monde, où les taux étaient déjà négatifs, cela ne s’est pas produit. Elles se sont comportées davantage comme des actifs liquides. En ce qui concerne la question de la répartition 60-40, les gens devraient commencer à y penser pour l’avenir, mais comme nous avons encore des rendements positifs en Amérique du Nord, je crois que cela nous laisse un peu de temps pour résoudre ce dilemme.
Bref, tant que les taux sont positifs, la corrélation négative avec les autres actifs continue d’exister et de procurer une protection aux portefeuilles. Même si les taux sont au minimum, ils garantissent cette protection. Si, par contre, nous voyons poindre des taux négatifs, il faudra en toute légitimité questionner le rôle des obligations au sein d’un portefeuille diversifié. Or, je ne crois pas que nous en soyions encore là, du moins en Amérique du Nord.
Mark Brisley : Derek, je sais que vous avez également beaucoup de choses à dire à ce sujet. Pourriez-vous aborder la question des actifs spécialisés, qui attirent de plus en plus de capitaux? Certains parlent même maintenant d’une troisième classe d’actif.
Derek Amery : À mon avis, les obligations ont toujours leur raison d’être dans un portefeuille diversifié. Comme Romas vient de l’expliquer, lors de périodes de turbulences sur les marchés comme celle que nous avons connue en mars, les obligations et les titres à revenu fixe continuent de jouer un rôle de stabilisation et de protection au sein d’un portefeuille équilibré, puisque les corrélations restent dans les valeurs négatives plus faibles lorsque les actifs risqués subissent des pressions.
Je pense toujours que la diversification qu’offrent les obligations dans le cadre de la théorie traditionnelle de gestion de portefeuille conserve son importance. Pour revenir sur ce que Romas disait, je pense aussi que cette réalité est maintenant plutôt propre à l’Amérique du Nord, où les rendements sont sensiblement plus élevés qu’ailleurs dans le monde. Cela dit, je pense que certains aspects du rôle habituel des titres à revenu fixe dans le portefeuille 60-40 seront remis en question.
Comme je l’ai expliqué, les titres à revenu fixe ont joué le rôle de stabilisateurs au sein des portefeuilles équilibrés. Par ailleurs, ce qui a toujours rendu les obligations si avantageuses pour les investisseurs, ce sont leurs rendements attendus positifs. Or, une grande partie de ces rendements provenaient des revenus et désormais, il sera certainement plus difficile de générer des revenus suffisants pour garder en vie le modèle traditionnel, vu les rendements actuels.
Je pense que nous sommes arrivés au point où les investisseurs commenceront à se tourner vers les actifs spécialisés, ce qui amènera le portefeuille équilibré traditionnel à évoluer. Cette troisième catégorie d’actif devrait y occuper une belle place et fera éventuellement partie de la « nouvelle norme » du portefeuille équilibré.
Mark Brisley : Messieurs, je vous remercie de cet entretien fort intéressant. Les marchés changent plus que jamais. Nous tenons donc à rappeler à tous nos auditeurs qu’un conseiller financier peut aider votre portefeuille à suivre le rythme, notamment en se penchant sur les enjeux propres au volet à revenu fixe dont nous avons parlé aujourd’hui.
Je vous remercie d’avoir pris le temps de nous écouter. Si vous voulez en savoir plus sur les opinions de nos gestionnaires de portefeuille ou sur nos produits, n’hésitez pas à consulter notre site Web au www.dynamique.ca.
Annonce : Vous venez d’écouter un autre balado On the Money de Fonds Dynamique. Pour en savoir davantage sur Dynamique et sa gamme complète de fonds, communiquez avec votre conseiller financier ou visitez notre site Web à dynamique.ca.
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